« C’EST éPUISANT MORALEMENT ET PHYSIQUEMENT » : LA COQUELUCHE EN RECRUDESCENCE AUSSI CHEZ LES ADULTES

Ces derniers mois, on observe un pic inédit de contaminations à la coqueluche, chez les nourrissons, mais aussi chez les adultes

Santé - Ces derniers mois, on observe un pic inédit de contaminations à la coqueluche, chez les nourrissons, mais aussi chez les adultes

On connaît son nom, mais pas forcément ses symptômes, et nous sommes nombreux à ignorer la date de notre dernier rappel vaccinal contre cette maladie, à tort caractérisée d’un autre temps. Parce que la coqueluche est bien là. Ces derniers mois, une forte recrudescence de cette infection bactérienne est observée en France et en Europe. Et les autorités sanitaires appellent à la plus grande vigilance.

Extrêmement contagieuse, la coqueluche touche nourrissons et jeunes enfants. Mais elle affecte toutes les classes d’âge, et touche aussi les adultes. Comment expliquer cette recrudescence ? Comment le diagnostic est-il posé et que traversent les patients qui contractent la coqueluche ? 20 Minutes vous explique.

Une infection très contagieuse et en recrudescence

« La coqueluche est une infection bactérienne très contagieuse dont la transmission se fait principalement dans la famille ou en collectivités au contact d’une personne malade présentant une toux, explique Santé publique France. Et l’Europe connaît actuellement une recrudescence de cas de coqueluche avec des épidémies importantes en Croatie, au Danemark ou au Royaume-Uni et des hausses significatives en Belgique, Espagne et Allemagne ».

Ainsi qu’en France où, depuis de début de l’année 2024, « une vingtaine de clusters ont été rapportés à Santé publique France dans 8 régions hexagonales, versus 2 cas groupés dans une seule et même région (Ile-de-France) pour l’ensemble de l’année 2023 ». Et rien que sur « le premier trimestre 2024, une quinzaine de clusters majoritairement en collectivité (écoles maternelles, primaires, haltes-garderies et maisons maternelles) mais aussi familiaux et totalisant 70 cas ont été signalés à Santé publique France ». C’est d’ailleurs au spectacle de fin d’année de son petit-fils que Mireille, 63 ans, a contracté la coqueluche. Elle, mais aussi son mari, sa fille et trois de ses petits-enfants. « Après le spectacle, nous avons gardé notre petit-fils pour le week-end, et il a commencé à avoir de la fièvre et une toux légère. Quand son père l’a récupéré et conduit chez le médecin parce que son état empirait, le diagnostic est vite tombé. Et quelques jours plus tard, nous avons tous développé des symptômes, explique Mireille. J’ai eu de la fièvre et des bouffées de chaleur, mon mari a eu une toux très violente, et ma fille et mes petits-enfants ont eu aussi eu de la température pour les uns, et une toux pour les autres ».

De quoi inquiéter les autorités sanitaires. « La multiplication du nombre de cas par rapport à 2023 et les remontées de cas groupés en nette augmentation indiquent une reprise de la circulation de la bactérie en communautaire, qui pourrait s’intensifier dans les prochains mois », alerte l’agence sanitaire. « On est face à un agent infectieux qui se transmet extrêmement bien, avec un R0, ou taux de reproduction, au-delà de 15, souligne le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. On a toutes les caractéristiques pour créer des épidémies et une reprise pandémique, comme on a pu le voir avec le Covid-19, en particulier à l’arrivée du variant Omicron ».

« Une toux incontrôlable et les bronches en feu »

Pour ne rien arranger, si elle a été « considérée longtemps par erreur comme une maladie de la petite enfance, la coqueluche peut être sévère à tout âge, insiste l’Institut Pasteur. Cette infection respiratoire est particulièrement dramatique, voire mortelle, pour les jeunes nourrissons, non ou partiellement vaccinés, et les personnes à risque telles que les femmes enceintes et les personnes âgées ». Et n’épargne ainsi pas les adultes.

En pratique, « après contamination par la bactérie de la coqueluche, la période d’incubation, sans aucun symptôme, peut aller de sept jours à trois semaines, rapporte l’Assurance maladie. Ensuite, un écoulement nasal apparaît. Il dure une à deux semaines, associé éventuellement à une fièvre très faible ». C’est alors qu’une toux, d’abord modérée, apparaît. Avant « d’évoluer rapidement vers des quintes de toux accompagnées de signes caractéristiques, poursuit l’Assurance maladie. Les accès de toux sont soudains, violents et répétés. Ils provoquent des spasmes et la respiration devient difficile ».

C’est ce qu’a vécu Hamid, 66 ans, qui a contracté la coqueluche en avril dernier. « Légère au départ, la toux est devenue persistante et incontrôlable, avec des quintes à en vomir et s’évanouir. Quand ça arrive, on sent la quinte de toux monter, on a les bronches en feu. On tousse tellement qu’on ne parvient pas à reprendre son souffle, et on se retrouve en apnée au point que cela provoque comme des malaises vagaux, et on perd connaissance. Dans ces moments, on ne maîtrise rien, ça m’est arrivé à quatre reprises, c’est vraiment terrifiant ». Après un premier malaise au cours duquel il chute en perdant connaissance chez lui, Hamid apprend à anticiper autant que possible ses quintes incontrôlables. « Quand je sentais la quinte monter, je m’asseyais, pour ne pas risquer de tomber et me blesser », raconte-t-il.

Accélérer le diagnostic

Au départ, quand Hamid a consulté, le remplaçant de son médecin traitant lui diagnostique une rhinopharyngite, et lui prescrit « du paracétamol. Mais les symptômes n’ont fait qu’empirer, relate le sexagénaire ». Et après plusieurs consultations, son médecin suspecte une infection pulmonaire et lui prescrit une radio des poumons, qui ne montre rien. Dans l’intervalle, les quintes deviennent insupportables, l’empêchent de dormir la nuit et commencent à lui miner le moral. « On n’en voit pas le bout et on ne sait pas ce qu’on a, c’est épuisant moralement et physiquement », confie-t-il.

C’est après ses premiers malaises que la coqueluche apparaît comme la responsable de ses maux. « Mon fils a vu une vidéo à propos de la coqueluche sur les réseaux sociaux, et m’a dit que mes symptômes correspondaient. Là, je me suis fait prescrire un test PCR, qui est revenu positif au bout d’une semaine, le temps que l’échantillon soit envoyé pour analyse à Paris, ma région n’étant pas équipée pour le réaliser. Quand j’ai enfin su ce que j’avais, ça a été un grand soulagement. On m’a prescrit le traitement antibiotique adapté, mais j’ai encore de violentes quintes de toux depuis ». On parle ainsi « de maladie des cent jours, avec une forte toux persistante et une reprise de souffle bruyante, appelée "chant du coq", confirme le Dr Davido. C’est d’ailleurs ce qui déclenche la prescription du test PCR pour ces patients en errance ».

Une errance de plusieurs semaines qui n’est pas rare. « Au départ, si on n’est pas cas contact, c’est difficile de poser le diagnostic, surtout à cette période où les symptômes peuvent aussi bien évoquer des allergies saisonnières que la grippe ou le Covid-19, observe le Dr Davido. Dans mon service, c’est quand on a vu l’augmentation des prescriptions de tests PCR qu’on s’est dit qu’il fallait penser à la coqueluche face aux patients qui présenteraient une symptomatologie compatible. D’autant que le taux de positivité des PCR dépasse les 20 %, soit une personne sur cinq testée positive à la coqueluche, c’est vertigineux. D’où l’importance d’améliorer le diagnostic pour contenir la propagation de la maladie ».

Renforcer la couverture vaccinale

Et pour la contenir, il faut « renforcer la sensibilisation de la population à cette maladie et ses modalités de prévention », plaide Santé publique France. Ce qui passe par la vaccination, qui « vise à réduire les formes sévères, les hospitalisations et les décès liés qui surviennent essentiellement chez les nourrissons de moins de 6 mois », détaille l’agence sanitaire. Des formes sévères « qui touchent aussi les plus de 65 ans et les personnes ayant des maladies respiratoires chroniques, complète le Dr Davido. Or aujourd’hui, beaucoup d’entre eux ne savent souvent pas s’ils sont à jour de leurs vaccins. Et aucune campagne de vaccination ciblée ne les appelle à faire un rappel. Il y a urgence à agir sur ce point ».

A ce jour, le schéma de vaccination en France prévoit une « vaccination obligatoire pour les enfants nés depuis 2018, rappelle le ministère de la Santé : à 2 mois, 4 mois et 11 mois ». Puis des rappels sont prévus « à 6 ans et entre 11 et 13 ans », et « à 25 ans ». Et pour protéger les nourrissons de moins de 2 mois, la vaccination est recommandée depuis 2022 chez les femmes enceintes pour qu’elles transmettent l’immunité à leur enfant à naître.

Et ce lundi, dans ce contexte épidémique préoccupant, la Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé que « toute personne en contact proche avec un nouveau-né ou nourrisson de moins de 6 mois, dans un cadre familial ou professionnel, reçoive un rappel si le dernier vaccin contre la coqueluche date de plus de 5 ans ». Car pour l’heure, la prévention est loin d’être optimale : « beaucoup de gens pensent qu’une fois qu’on a eu la maladie, on est immunisé, comme pour la varicelle, or l’immunité, qu’elle soit acquise par l’infection ou la vaccination, baisse, prévient l’infectiologue. Si on ne fait pas de rappel, on peut la contracter de nouveau ». Un risque que ne souhaitent pas courir Hamid, Mireille et toute sa famille, qui ont chacun rendez-vous dans les prochains jours chez leur médecin pour recevoir une dose de vaccin.

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