ALLEMAGNE : « L'HOMME MALADE DE L'EUROPE » TABLE SUR UN RETOURNEMENT éCONOMIQUE AU PRINTEMPS

« L'homme malade de l'Europe » retrouve quelques couleurs. Après la baisse 0,3% de son produit intérieur brut (PIB) l'an dernier du fait notamment du contrecoup de la guerre en Ukraine et de la flambée des prix de l'énergie, le gouvernement allemand a relevé ce mercredi sa prévision de croissance pour l'année en cours, la faisant passer de 0,2% à 0,3%. Après deux années de marasme, l'activité économique allemande pourrait donc avoir atteint le fond en fin d'année dernière. Berlin table en effet désormais sur un tournant économique au printemps. L'activité économique bénéficie du recul « plus rapidement que beaucoup ne le prévoyaient » des prix de l'énergie, a expliqué le ministre de l'Economie, Robert Habeck. L'inflation doit en outre retomber à 2,4% en moyenne cette année après 5,9% l'an dernier.

Reprise de la production et des exportations

Prévoyant la semaine dernière une croissance au premier trimestre, la Banque fédérale allemande précisait que l'embellie observée venait d'« une production industrielle légèrement plus élevée » ces dernières semaines, ainsi que d'une « augmentation des exportations de biens ». En outre, le temps « exceptionnellement doux » en février a entraîné un très fort rebond de la production dans le secteur très affaibli de la construction, note l'institution. Pour rappel, l'industrie, pilier du modèle allemand, a été plombée depuis 2022 par des coûts de l'énergie très élevés par rapport à ses concurrents en raison de la fin des livraisons de gaz russe bon marché.

Pour la « Buba », le renchérissement du crédit, l'incertitude politique et la faible demande faible demeurent néanmoins, si bien que « dans l'ensemble, il n'existe toujours aucun signe d'amélioration durable de l'économie allemande ». En particulier, la tendance négative de la demande dans la construction résidentielle ne s'est pas encore rompue. Les ménages restent, eux, hésitants à consommer malgré un marché du travail robuste et des hausses de salaires qui font plus que compenser une inflation désormais sur le repli. Pour la banque fédérale allemande, « il n'est donc pas encore certain que la hausse de la production économique se poursuive au deuxième trimestre ».

Dans tous les cas, la croissance restera très faible. Le relèvement de la prévision pour 2024 reste en effet « modéré » en raison de l'environnement géopolitique toujours incertain, avec notamment les tensions au Moyen-Orient, qui pèsent sur les échanges commerciaux et la conjoncture, a rappelé Robert Habeck. En outre, si une première baisse des taux en zone euro « est peut-être attendue » dès juin, qui sera profitable à la relance du crédit et donc de l'activité, la suite de l'assouplissement monétaire reste hypothétique, a-t-il ajouté.

Et dans le même temps la « pression pour consolider les budgets publics est également forte, » limitant la marge de manoeuvre du gouvernement pour soutenir de grands projets, comme la transition énergétique. Au-delà, Berlin continue de prévoir une croissance modeste du PIB en volume, à 1,0 % en 2025.

L'activité « montre des signes printaniers », mais cela se voit surtout dans le secteur des services, tandis que l'industrie reste en prise avec des problèmes de croissance, selon Robin Winkler, économiste chez Deutsche Bank.

Les entrepreneurs retrouvent le moral

En attendant, le moral des entrepreneurs en Allemagne a continué son ascension en avril, pour le troisième mois consécutif, augurant d'une inversion de tendance pour l'économie allemande. Cet indicateur très suivi de la conjoncture économique, basé sur un questionnaire mensuel adressé à 9.000 chefs d'entreprises a gagné 1,5 point, à 89,4 points en avril, après une détérioration cet hiver, a indiqué ce mercredi l'institut économique allemand IFO. C'est mieux que ce que prévoyaient les analystes sondés par l'outil d'analyse financière Factset, qui misaient sur une hausse à 89,0 points.

Cette deuxième forte augmentation consécutive, après une hausse de 2,2 points le mois dernier, « ressemble fortement à un renversement de tendance », estime lui aussi Jens-Oliver Niklasch, économiste à la banque LBBW. Ces chiffres amènent « plus d'optimisme pour l'économie allemande », confirme de son côté Carsten Brzeski, économiste à la banque ING.

« A en juger par les expériences précédentes, trois hausses consécutives ont tendance à marquer un tournant dans l'économie », explique-t-il.

Le creux est passé

Si l'économiste estime que le « creux conjoncturel » est passé, cela ne signifie pas qu'une forte reprise est imminente, étant donné les faiblesses structurelles qui subsistent en Allemagne. Cette hausse est tirée par l'évaluation du climat des affaires et par les attentes pour les six prochains mois, qui s'améliorent dans tous les secteurs. L'industrie manufacturière, qui souffre depuis près de deux ans de la hausse des prix de l'énergie, d'une demande mondiale timorée et des taux d'intérêt élevés, a des attentes « beaucoup moins pessimistes » face à l'avenir, selon l'IFO. Toutefois, les entreprises de ce secteur jugent toujours négativement la situation actuelle, à l'aune de leurs carnets de commande amaigris.

« Si la BCE procède également à des baisses de taux d'intérêt à partir du milieu de l'année, cela devrait suffire à l'économie allemande pour enregistrer une légère hausse du PIB au cours de l'année en cours » commente Jens-Oliver Niklasch.

Travailler plus

L'Allemagne doit aussi faire en sorte qu'un plus grand nombre de personnes « travaillent volontairement plus et plus longtemps», selon Robert Habeckalors que la génération nombreuse des baby-boomers part progressivement à la retraite sans voir autant de jeunes entrer sur le marché du travail.

Reste que la coalition hétéroclite au pouvoir, alliant la gauche (SPD, sociaux-démocrates de Scholz et écologistes) et la droite (avec les Libéraux du FDP) affiche au grand jour ses divisions sur la marche à suivre face au marasme économique, la rendant très impopulaire dans l'opinion. Dernier accroc, le FDP a présenté cette semaine un plan en 12 points pour un « redressement économique » appelant à des coupes dans les aides sociales, suscitant l'irritation au SPD.

Le « travail du gouvernement est quelque chose de différent » d'un document de parti, a commenté le ministre Vert devant la presse. L'opposition conservatrice voit dans ses tiraillements le début de la fin de la coalition et appelé à des élections anticipées.

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