REPORTAGE. EN BELGIQUE, LE COMBAT DE DEUX COMMUNES CONTRE LA POLLUTION AUX MICROBILLES DE PLASTIQUE

Les communes d’Écaussinnes et de Seneffe en Wallonie, sont polluées par des milliers de billes de plastique fabriquées par TotalEnergies. Plus de quinze ans après les premières constatations, le combat pour la reconnaissance du préjudice environnemental est toujours difficile. Un cas d’école pour le futur traité international sur la pollution plastique, dont les négociations patinent à Paris, depuis le 29 mai.

Tandis qu’à Paris, se négocie, dans la douleur, un traité international contraignant pour limiter la pollution plastique, direction la Belgique. Au milieu des champs, émergent des torchères, des silos et de larges entrepôts. Nous sommes au  « zoning » (dans la zone) de Feluy, à quelques kilomètres de la commune d’Écaussinnes, premier pôle pétrochimique de Wallonie, deuxième belge derrière le port d’Anvers.

Ici, se trouve TotalEnergies Petrochemicals Feluy, l’une des plus grosses usines de granulés de plastique d’Europe, avec une production de 1,2 million de tonnes par an. Les dérivés du pétrole y sont transformés en granulés, les « pellets » qui serviront de base pour une foule de produits (vêtements, emballages alimentaires, électronique, jouets…). Mais ces microbilles s’échappent. Aux alentours de l’usine, dans les cours d’eau de la Pignarée ou de la Sennette, les champs cultivés ou les accotements, la pollution aux microplastiques atteint un niveau désormais historique…

 Je suis le dossier depuis 2020 mais j’ai retrouvé des plaintes remontant à 2007 , déplore Arnaud Guérard, échevin (élu municipal) en charge de l’environnement à Écaussinnes.  Ce sont les additifs ajoutés aux granulés qui peuvent présenter des risques. Une fois dans la nature, ces microplastiques vont absorber d’autres polluants. Des animaux aquatiques peuvent les ingérer et en mourir , déclare Lucie Padovani de l’ONG Surfrider.

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Pour stopper cette pollution, la question de la responsabilité est primordiale. Selon Arnaud Guérard, la dispersion dans la nature pourrait survenir à l’étape du stockage, du chargement ou du nettoyage. Sur le terrain, quatre structures se renvoient la responsabilité : TotalEnergies, deux logisticiens – Katoen Natie et Vos Logistics – ainsi qu’une entreprise de nettoyage des camions, Feluy Service Center.  TotalEnergies agit au quotidien pour empêcher la dispersion de granulés sur son site de Feluy. Une soufflerie depuis 2014 retire les pellets des camions, des filets sont installés le long des clôtures afin de renforcer la frontière entre le site et le domaine public et les employés sont formés , se défend l’entreprise.

Depuis une médiation, toujours en cours, avec la ministre de l’Environnement wallonne, ces entreprises partenaires doivent désormais nettoyer les alentours des usines et installer des grilles pour retenir les billes. Avec un autre inconvénient pour la biodiversité : les tritons y sont souvent retenus et peuvent mourir de faim.

En parallèle, les communes, soutenues par la Région, ont aussi saisi le tribunal de Charleroi.  Cette pollution historique appelle une justice environnementale pour la collectivité. Le seul modèle à suivre, c’est la prévention à la source mais c’est une problématique qui nous dépasse. Reconnaître la pollution historique à Écaussinnes, c’est ouvrir la voie à d’autres reconnaissances en Europe , insiste Arnaud Guérard.

Tous les regards sont désormais tournés vers la Commission européenne qui doit présenter prochainement une loi pour lutter contre la pollution microplastique.  Nous demandons qu’un cadre réglementaire européen et contraignant avec un contrôle extérieur soit rapidement mis en place. Les solutions sont connues (formation du personnel, contenants fermés…), c’est maintenant une question de volonté politique , souligne Lucie Padovani.

À Paris, sous l’égide de l’Unesco, les négociations du futur traité international ont débuté le lundi 29 mai et ont patiné toute la semaine sur des procédures. Plusieurs pays (Arabie Saoudite, Chine, Brésil, Inde, Russie…) traînent des pieds contre un accord ambitieux. Les États-Unis, contrairement aux Européens, ont fait comprendre qu’ils ne voulaient pas de limitation de la production, juste éviter la pollution. Le traité est espéré pour la fin 2024.

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