AU DîNER DU CRIF, LE GOUVERNEMENT A-T-IL BROUILLé LE MESSAGE DE LA FRANCE SUR ISRAëL ET GAZA ?

POLITIQUE - Diplomatie parallèle ? Le gouvernement est pointé du doigt, notamment par les élus de la France insoumise, après sa participation au dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) jeudi 6 mai au soir. En cause : les propos tenus par Gabriel Attal lors de ce rendez-vous traditionnel, mais forcément particulier cette année.

S’exprimant devant un parterre d’invités prestigieux (Édouard Philippe, Élisabeth Borne ou Manuel Valls, pour le casting politique), le Premier ministre a dénoncé la recrudescence de l’antisémitisme dans le pays, et rappelé sa promesse d’une « fermeté exemplaire à chaque acte. » Jusqu’ici, aucune matière à polémique.

C’est une phrase lâchée au détour d’un développement sur le 7 octobre qui déchaîne les critiques. La voici : « Quand on entend », les témoignages des attaques terroristes du Hamas, « on a du mal à entendre les leçons de moral de certains, bien au chaud, qui expliquent à la société israélienne qu’ils surréagissent. (...) On a dû mal à entendre les leçons de morale à un peuple qui a souffert une telle atrocité jusque dans sa chair. » Une tirade accueillie par les applaudissements nourris de l’assistance.

Mais que reprochent les contempteurs du chef du gouvernement ? Les insoumis, en tout cas, estiment que ce discours, et l’emploi du mot « surréaction », n’est pas acceptable à l’heure où l’armée israélienne - qui a déjà fait plus de 30 000 morts dans la bande de Gaza (en majorité des civiles), selon des chiffres du Hamas - semble déterminée à débuter une offensive - tant redoutée - sur Rafah.

« Oser appeler un génocide une ’surréaction’ : c’est à vomir »

« Le Premier ministre couvre, relativise le génocide en cours et insulte ceux qui le dénoncent », fulmine par exemple le coordinateur national de la France insoumise Manuel Bompard, estimant que « c’est la France tout entière qui est déshonorée par de tels propos ». Toujours sur les réseaux sociaux, son collègue Aymeric Caron dénonce une déclaration « immonde » : « Oser appeler un génocide une ’surréaction’ : c’est à vomir. »

Dans son sillage, le député Sébastien Delogu a mis le sujet en lumière à l’Assemblée nationale ce mardi après-midi en fustigeant des mots « irresponsables, ignobles, inhumains » de la part du locataire de Matignon : « Massacrer 40 000 êtres humains, dont en majorité des femmes et des enfants, c’est une surréaction ? ».

En outre, les députés mélenchonistes appuient leur offensive en reprochant également à Prisca Thevenot d’avoir pris la pose avec Julien Bahloul. Présente à ce dîner, la porte-parole du gouvernement apparaît effectivement sur un selfie publié par l’ancien porte-parole de l’armée israélienne, désormais « voix francophone d’Israël » selon sa propre expression. « Indécents », répondent les insoumis.

Dans ce contexte, il est intéressant de noter, au-delà des attaques politiques de la formation mélenchoniste, qui a fait de la défense des Palestiniens son axe principal de campagne pour les élections européennes, que la prise de parole du chef de gouvernement diffère quelque peu du langage diplomatique de la France.

Que dit la diplomatie française ?

Sur la tragédie en cours à Gaza, Gabriel Attal, qui s’exprimait devant le Conseil représentatif des institutions juives du pays, s’est borné à rappeler que la France « se bat dans la région pour la paix » et « pour éviter l’escalade. » Un propos semble-t-il moins engagé, sinon précis, que celui du ministre des Affaires étrangères ou du président de la République.

Depuis l’automne, la diplomatie française s’échine effectivement à rappeler que, si Israël a « le droit de se défendre » selon la formule, le pays doit le faire selon le respect du « droit international humanitaire » articulé en plusieurs principes : « distinction, nécessité, proportionnalité et précaution pour épargner les civils. » Il n’est, là, point question de « surréaction ».

Dans une interview accordée au Monde début mars, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné se montrait sévère à l’égard de la riposte portée par l’État hébreu. « La crise humanitaire à Gaza est catastrophique depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Et cela crée des situations indéfendables et injustifiables dont les Israéliens sont comptables », grondait-il. Récemment encore, dimanche, Emmanuel Macron a mis la pression sur le Premier ministre Benyamin Netanyahou en réitérant « sa plus ferme opposition à une offensive israélienne sur Rafah », selon le communiqué de l’Élysée.

Des mots - vains - répétés par… Gabriel Attal ce mardi après-midi à l’Assemblée. « Oui, la situation humanitaire à Gaza est catastrophique. Et oui, les civils doivent toujours être épargnés », a souligné le chef du gouvernement, en critiquant également les « indignations sélectives » sur le sujet. Un message clair à l’adresse des Insoumis. D’aucuns diraient qu’il pourrait aussi s’appliquer au Gabriel Attal de lundi soir.

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